lundi 12 septembre 2011

Perpignan Brest

Etape 8

Maintenant c’est un peu l’inconnu. La traversée de Nantes. Il faut dire que cette ville a fait un gros effort pour faciliter la circulation des vélos, il y a des pistes cyclables en nombre suffisant, de plus mes propres repères sont très bons, en une heure je suis au bourg d’Orvault. Je ne calcule plus, sinon je risque fort de me démoraliser, « ne rien lâcher, plus maintenant ! ». Je ne connais pas trop la route vers Fay-de-Bretagne, alors j’essaie de tempérer et je vais avoir raison, sur ma route, je rencontre quelques difficultés bien de chez nous « vain dieu » ; la partie Fay de Bretagne Redon est déjà plus difficile, je m’inquiète car la suite jusqu’à Rostrenen ne sera pas de tout repos non plus. C’est vraiment une route compliquée mais St Nicolas de Redon pointe son nez ; après une descente, une ligne droite m’amène à Redon ville contrôle. Je pense avoir dépassé le panneau indicateur de Redon, j’arrête devant un bar-restaurant, j'y valide mon passage, mais une fois de plus, la personne que j’ai devant moi doit se demander ce que je fais là ; avec beaucoup de gentillesse je lui explique que je fais actuellement une diagonale en vélo de Perpignan à Brest et que dans certaines villes, je dois faire valider mon passage par l’obtention d’un tampon sur mon carnet que je lui montre. Honnêtement j’ai l’impression de parler à un mur. Bon, je sais, je parle très vite mon épouse me le reproche souvent : « respire, articule ». Je suis sur le point de reprendre mes explications, quand enfin il saisit mon carnet, il le feuillette ; j’espère qu’il ne va pas tout lire, règlement, consignes… Il reste encore trente secondes silencieux, je suis sur le point de reprendre mon carnet et d'aller voir ailleurs. Je perds mon temps inutilement. Enfin il y accole son tampon ; je reprends mon bien je le remercie et je sors rapidement pour reprendre mon chemin. La route de Redon à La Chapelle-Caro s’élève mais pour le moment rien de dramatique. Cela augmente progressivement ensuite jusqu’à Josselin, prémices de ce qui m’attend. C’est justement dans cette partie que je sens mon genou ; malgré tout, je continue, car je veux être à Josselin rapidement. Avant de quitter la ville je prends une demi-baguette et je mets de la pommade sur mon genou. Je profite aussi pour prendre un cachet. Si les premiers kilomètres sont relativement calmes, le reste change. Je suis contraint de ralentir un peu, de jouer avec les pignons, je serre les dents, ce n’est pas maintenant que je vais craquer. Avant Pontivy je fais un arrêt, j’en profite pour souffler un peu, je décide d’envoyer un message à trois personnes «sans dire où je suis, je sens l’écurie » « PRÉTENTIEUX ». Je reconnais que je n’ai jamais été aussi proche de la fin, en arrivant à Pontivy. Je pense que le pire de cette partie de route est encore devant moi. Louis m’avait dit : « tu verras, c’est joli par là mais ça grimpe aussi ». Il n’a pas tort j’ai choisi la route touristique qui mène à Rostrenen mais je perds mon temps. A mi chemin je suis contraint à un nouvel arrêt, j’ai mal aux jambes ; en plus j’ai voulu tirer sur mon cuissard, quelle douleur ! J’ai le sentiment de m’arracher la peau en même temps. J’ai très mal, je descends du vélo, je retire aussi mes chaussures, mes pieds aussi sont à l’agonie ; d’ailleurs je pense laisser dans mon aventure un ongle du pied gauche. Vraiment je me suis mal levé, depuis le début. En plus je n’ai toujours pas d’escalope pour la partie de mon corps qui repose depuis huit jours sur ma selle. Fin de la partie humour. C’est là que je décide de ne pas rentrer dans les temps ; de toute façon je le savais depuis un moment. J’envoie un message à une personne « la paille va attendre ». Pendant une demi-heure, je m’allonge sur l’herbe, heureusement il fait beau. Je considère qu’il y a des signes qu’il faut prendre très au sérieux, cet arrêt est pour moi primordial non seulement pour mes jambes au mon postérieur mais aussi et surtout pour mon moteur, une petite douleur de ce côté m’inspire à faire preuve de prudence et à attendre qu’il retrouve un rythme plus normal ou presque. A noter « ne pas oublier de prendre rendez-vous avec le cardiologue ». La minute médicale est finie. Il faut repartir. La route est inchangée mais je me sens un peu mieux sauf mon postérieur mais bon c’est bientôt terminé. Avant mon arrivée à Rostrenen je sens le portable qui vibre dans ma poche, je ne me préoccupe aucunement de lui ; si c’est mon épouse elle sait que dès mon arrêt je téléphonerai, donc pour le moment il me faut finir cette partie. En arrivant devant le panneau je prends mon vélo en photo.
Je regarde rapidement qui m’a envoyé un message ; c’est Yvan qui veut savoir où je suis. Je lui réponds et j’appelle mon épouse également ; elle est fière, heureuse bien que je ne sois pas encore à Brest. Pour elle, je viens de réaliser un exploit énorme. Je suis heureux, fatigué; je la rassure, je ne suis pas déçu. Il y a trois ans je n’aurais pas misé un cent, ni un euro sur un tel résultat. L’important est de finir. Je range mon portable et en route pour Maël Carhaix. En passant dans le bourg je revois le sas de la banque où, pendant le Rennes Brest Rennes, je m’étais endormi avec deux autres cyclos, fervents promoteurs des diagonales ; seulement aujourd’hui il n’est pas question de s’arrêter. Carhaix enfin, maintenant je connais bien la route, ce fut mon terrain de jeux pendant quelques sorties de préparation. Je dose mon effort en fonction des montagnes russes pour arriver au pied du Roc Trevezel. Bien que la route soit accidentée, je la trouve ennuyeuse comme à chaque fois. Si j’avais été dans les temps, j’aurais fait un détour vers Poullaouen et Huelgoat, mais ce n’est plus d’actualité. A partir de l’intersection pour rejoindre La Feuillée et jusqu’au croisement pour aller vers le Roc Trédudon, la pente s’accentue ou du moins le pourcentage se modifie considérablement ; je gravis cette partie en moulinant ; de toute façon je n’ai pas trop le choix. Je continue le reste du Roc à la même vitesse jusqu’au pied de l’antenne où je m’arrête. Je me prépare pour ma dernière soirée sur mon vélo, un peu de pommade sur le genou et encore sur les cervicales. Je sais que je vais avoir de la descente mais il est inutile de se faire mal et d’attraper froid. Commana est vite atteint : deux petits faux plats et ensuite descente vers Sizun. Là, comme lundi je poste ma carte dans la boîte aux lettres contre le café. Comme à mon arrivée à Perpignan, je ne peux pas profiter des derniers kilomètres pour savourer, car après Sizun la route n’est pas des plus facile. Mais ce n’est plus très grave maintenant, il faut juste que je garde encore des forces pour tout à l’heure. En rejoignant Landerneau dans la longue descente, je souffle, je m’étire. Après Landerneau, je prends la même route que pour l’aller en direction de Guipavas. Je sais que cela sera dur, et je ne serai pas déçu, car à la sortie de la ville de Landerneau j’ai un mur devant moi, je suis plus en équilibre qu’autre chose mais je monte doucement. À mon départ dans l’autre sens j’avais trouvé mon vélo lourd mais dans ce sens ci j’ai un poids lourd sous moi qui pèse quinze tonnes. La première difficulté franchie les autres vont suivre gentiment. J’arrive à Guipavas, à droite il y a une clinique, plus loin sur la gauche il y a la gendarmerie et à la sortie de la ville, il ne me reste plus que dix kilomètres. « Courage, Vincent ! », mais c’est difficile, car les jambes ne répondent pas comme je le souhaite ; tant pis, je n’ai qu’à mouliner. Du bourg à ma délivrance je compte encore, deux difficultés, une maintenant à la sortie jusqu’au Froutven et l'autre la route de Paris. Enfin c’est la pancarte BREST.
Le délai est passé mais pas de beaucoup ; la descente de la rue Jaurès se fait entre les travaux, puis place de la liberté, le cinéma du même nom, la poste sur ma droite et à gauche « Rue Colbert » terminus. Je pose mon vélo et je vais dans le commissariat. L’agent est occupé avec une personne qui a été agressée, ses yeux tuméfiés en témoignent, j’attends mon tour, plus rien ne presse maintenant. L’agent saisit mon carnet, il m’indique l’heure, j’acquiesce, il me pose le tampon de la fin de ma diagonale. Je lui souhaite une bonne fin de service, tandis que lui me demande si je pars ; ma réponse arrive instantanément, avec le sourire :
« Non ! Je vais me coucher maintenant, bonne nuit ! »
En sortant du commissariat je téléphone à la maison, ma femme me demande si je veux qu’elle vienne me chercher.
« Non ! Je suis parti de la maison en vélo, je rentre en vélo, à tout de suite. Bisous ! »
En arrivant à la maison, mon épouse est là qui m’attend ; elle n’a pas de drapeau à damiers avec elle, mais elle fait le geste de la fin ; ma fille aussi est présente, sans oublier le chien qui ne tient plus en place ; d’ailleurs c’est le seul qui va accepter que je l’embrasse pour le moment, car mon épouse et ma fille veulent que je me rase d’abord ; depuis huit jours c’est plutôt piquant. Je laisse mon vélo dans l’entrée ; demain il fera jour. Je retire mes sacoches, mon casque, mes chaussures. Ma fille me prend en photo;
Toutes les deux s’exclament : « mais tu as au moins 60 ans là-dessus ». Comme l’ordinateur est allumé sur le forum je poste un mot vite fait puis je cours dans ma douche, je me rase, et seulement maintenant je peux prendre ma femme dans mes bras ; ma fille me prend de nouveau en photo.

Je mange avec plaisir ce que ma femme m’a cuisiné, puis je me couche enfin dans mon lit, au chaud, en me disant :
« Demain tu dors ! »
Merci à tous ceux qui on suivi mon périple, encouragé, soutenu quand j’ai eu mon souci. J’allais oublier ; Yvan, non ce n’est pas fini, il y a beaucoup de longues randonnées à faire encore. Au total des deux diagonales 2168km.

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