lundi 12 septembre 2011

Brest Perpignan

Etape 4

Le froid me réveille; Je regarde l’heure : 2h45 ; est-ce raisonnable de partir ? Comme je tremble la question est vite oubliée, je serai mieux sur mon vélo. Je quitte donc ma suite royale en me disant que ce soir, je serai dans un bon lit au chaud ; c’est motivant ! « allez Vincent, courage ». Avant j’ai encore quelques kilomètres à faire, mais ma diagonale n’est pas décidée à se laisser avoir ; avant de quitter le bourg, je constate avec horreur que ma lumière de devant vient de s’éteindre ; pourquoi faut-il que cela arrive maintenant ? C’est la catastrophe : que faire ? Attendre le lever du jour ? Décision sage mais suicidaire pour la réussite de ma diagonale. Utiliser ma frontale ? Heureusement que je l’ai avec moi ; au départ, je fais un essai dans un endroit dépourvu d’éclairage public, je constate qu’elle éclaire suffisamment pour que je vois et surtout pour que je sois vu ; la décision est prise : je pars ainsi. Le plus dangereux ce matin c’est tout de même la fatigue et le dépassement des camions ; pour le moment, à cette heure, ils ne sont pas nombreux, mais cela va changer : à chaque fois je me déporte sur la droite, je dois être très vigilant pour ne pas aller au talus. St Paul Cap de Joux ensuite Puylaurens mais avec des routes pentues sans fin ; je dois encore attendre avant de pouvoir prendre mon petit déjeuner à Soual. Je consomme deux grands cafés. Je suis à bout, mais il n’est pas question de lâcher quoi que ce soit. Pour m’encourager encore plus, je constate que je viens de faire la plus longue distance à vélo. Les deux cafés font l’effet que j’attendais, mes jambes tournent bien, la route est agréable pour le moment. J’en profite jusqu’à Revel, ensuite le profil change ; je m’arrête sur une aire de repos pour enlever mes vêtements de nuit, je profite pour appeler mon épouse. Je tousse beaucoup, mais ce soir je serai à Perpignan et rien ne pourra m'en empêcher. Je remonte sur mon vélo et sur la route sinueuse pour le moment tout va bien, sauf que j’ai souvent le sentiment que mon bandeau me gêne un peu, sans plus heureusement. J’arrive à Castelnaudary, je me perds un instant. La route que je dois prendre est fermée pour travaux ; je m’en aperçois vite, ce qui m’évite de faire trop de kilomètres supplémentaires. J’emprunte, à pieds, la route fermée, peu praticable sur 300 mètres. Les ouvriers jettent des regards étonnés sur moi et sur mon cadre de vélo. Quand je sors de la ville, la route devient montagneuse inexorablement. J’arrive cependant à maintenir une bonne cadence de pédalage ; la première difficulté arrive à Villasavary ; ensuite, plus je m’approche de mon avant dernier contrôle, plus les difficultés sont présentes. Pour le moment rien ne m’effraie ; en arrivant à Limoux j’ai même la surprise de trouver la ville en contrebas, je déjeune et me repose un moment. Je téléphone à mon épouse, elle est contente de me savoir si proche de la fin, elle m’encourage pour la suite ; j’envoie mes messages. Aujourd'hui j’appelle aussi mon ami Patrick, nous parlons un peu ; il m’encourage aussi, mais me met en garde car l’aventure n’est pas encore finie. Après avoir mangé mon frugal repas (pain + coca) je reprends la route, cette fois je pense arriver tôt. Cela va être ma plus grande galère et surtout la peur de ma "carrière" de cycliste. En effet, le relief est difficile, comme je m’y attendais ; donc il faut que je règle ma cadence en fonction du profil. Couiza est atteint après une très longue montée, pour le moment tout roule, mais le bandeau que je porte sur le front me tombe régulièrement sur les yeux, ce qui est énervant. Lorsque je le remets en place, je n’ai pas de meilleure vision. Le mystère s’éclairera bientôt : en touchant ma paupière avec mon doigt, je constate que c’est elle la coupable. Mes yeux doivent être si enflés, qu’elle retombe sur mon œil, diminuant ainsi ma vision. Les panneaux indicateurs affichent maintenant des distances à deux chiffres ; cela remonte le moral, la fin est proche. Je continue vers Quillan où je dois m’arrêter pour mettre de la pommade sur mon entrejambe et sur la partie qui repose depuis quatre jours sur ma selle. Je me surprends à rire, car je repense à un message sur le forum Super Randonneur où il était question d’escalope ; j’en aurai bien besoin d’une en ce moment. Cet intermède humoristique passé, il faut repartir ; avant je prends des photos du paysage si beau.



Dès la sortie de la ville, la pente reprend ; cela va être ainsi jusqu’à ce que j’atteigne le sommet de ma diagonale. Mais tout s’accentue doucement, tout va bien, la route est étroite et sinueuse ; je croise seulement des voitures, c’est presque agréable. J’entends sur ma gauche l’eau qui s’écoule en cascade et fait un bruit mélodieux. Je progresse régulièrement, mais soudain un panneau m’arrête : « Allumez vos feux » ; j’arrive devant un tunnel dont j’évalue la longueur à 250 mètres environ, que je pense parcourir en quelques minutes. Mais quelle erreur de raisonnement ! à peine ai-je emprunté le tunnel qu’il se passe une chose étrange : je deviens comme un aveugle, c’est le trou noir ; je remue la tête : ouf ! la sortie est de nouveau visible, mais seulement pendant trois secondes et aussitôt tout redevient très sombre. J’ai peur à ce moment, mais une peur panique, j’abaisse mon regard, mais c’est pour constater que je roule au beau milieu de la route ; je repars sur ma droite : heureusement, car derrière moi une auto freine. Je pose pieds à terre et je parcours les derniers mètres restant ainsi ; à la sortie je m’assois pendant un long moment sur le bas côté, dans l’herbe ; tout énervé, je m’en veux, car je me rends compte que je viens de passer à deux doigt de la catastrophe.
Je repars donc crispé, juché sur mon vélo, mais cette position a des conséquences fâcheuses sur mes cervicales. Quand la route descend, je pense pouvoir récupérer ; pourtant je suis bloqué, je n’arrive plus à soulever la tête pour voir la route et mon champ de vision diminue aussi avec les boursouflures de mes paupières. Pour rejoindre St Paul de Fenouillet puis Estagel d’où je dois envoyer ma carte postale d’arrivée, je suis contraint de m’arrêter deux à trois minutes tous les deux kilomètres ; comme je ne suis pas droit sur mon vélo, par moments, je fais des écarts, je ne peux pas en vouloir aux véhicules qui klaxonnent entre St Paul et Estagel ; je fais un arrêt plus long à Maury, j’avale un autre café mais il mettra plus longtemps à avoir un quelconque effet sur moi. Enfin c’est Estagel j’en ai marre, j’ai mal partout aux pieds, au dos, aux cervicales, aux mains à force de freiner. Je poste ma carte, je téléphone à mon épouse, elle continue à m’encourager, elle a raison, je suis presque arrivé. En sortant d’Estagel, j’ai devant moi une vision bien dégagée, presque nette à plus de 600 mètres environ ; alors j’enroule le grand plateau et le 15 à l’arrière et, tel un cycliste les mains en bas du guidon, le regard au sol, je pédale comme un forcené. Enfin je longe l’aéroport, je ne suis plus très loin maintenant, je poursuis sur ma cadence quand je vois Perpignan centre ; je suis heureux, j’y suis arrivé, mais, il était écrit que ma première diagonale ne se laisserait pas avoir aussi simplement, je prends la direction « Perpignan centre » mais enfer et damnation, c’est une quatre voies et par conséquent interdit aux cyclistes, je roule prudemment sur le bas côté, j’essaie de voir si je peux partir pas une autre route, j’ai encore du temps devant moi. Finalement je décide de passer derrière les barres de sécurité et de marcher normalement, car je n’ai pas beaucoup à faire. Effectivement un peu plus loin, il y a une sortie « St Estève » ; j’opte pour la prendre mais je comprends que je fais une erreur ; alors je reprends la direction de la quatre voies, qui mène à Perpignan. Sur ma droite je lis le panneau recherché « Hôtel de police » m’y voilà ! Une charmante dame me reçoit, explique à un jeune stagiaire ce que je suis venu chercher ; une fois le tampon sur mon carnet de route je souffle. Pendant que je me prépare pour prendre ma douche, j’envoie mes derniers SMS, je téléphone à mon épouse. Je suis heureux, fatigué mais heureux : quelque ce soit l’avenir, je viens de faire ma plus longue distance à vélo.
Avant de m’endormir j’ai encore cette pensée.
Ce n’est pas un oscar ni même un césar, non, seulement une bonne ballade à vélo et pourtant, j’ai besoin, là, dans le noir, de remercier celui par qui l’amour du vélo est en moi ; je me rappelle les sprints quand nous revenions d’avoir acheté le journal pendant les vacances. Tu es parti trop tôt, mais là où tu es, je suis certain que tu es fier de moi. Merci PAPA.
Et celui qui a été le détonateur des longues distances. Je peux l’écouter des heures raconter toutes ses ballades, ses 3 PBP : à chaque fois je sors de notre rencontre ébahi devant tant de réalisations et toujours sa grande modestie. C’est un peu mon mentor dans la discipline. Il était fier tout à l’heure, quand je l’ai eu au téléphone. Merci à toi Louis, d’être tout simplement là quand il faut.
Mais merci aussi à ceux qui depuis un an chaque semaine puis chaque jour de la semaine, ont entendu parler de Brest Perpignan encore et encore. Merci à toi ma femme, à toi Anthony, Samuel, Alexandre et à toi la petite dernière qui a été météorologue, standardiste et secrétaire pour le forum, merci Marie.
C’est en pensant à tous que je m’endors enfin.

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